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Marc Pasteger raconte…
4 février 2008

Mon nouveau livre : "Folles histoires d'amour" !

A quelques jours de la Saint-Valentin, mon nouveau livre vient de sortir : "Folles histoires d'amour" (Jourdan Editeur). Comme dans "Folles histoires à boire et à manger" fin 2007, j'ai mélangé les récits insolites, mystérieux, cocasses et, parfois, dramatiques. Voici un exemple avec l'un de ceux que je préfère ! La dame du parc Il fait plutôt doux ce 24 avril 1975 dans la région de Limoges. Karine Loret, jeune institutrice de vingt-sept ans, profite de la fin d’après-midi pour s’attarder dans un parc public. Après avoir marché quelques centaines de mètres, elle s’assied sur un banc isolé et se plonge dans le roman en format de poche dont elle a commencé la lecture la veille : “Le président” de Georges Simenon. Aux alentours, il y a un peu de monde. Des enfants courent dans l’allée au bord de laquelle Karine s’est installée. Mais, totalement absorbée par les manigances des personnages ayant pris vie dans son esprit, elle ne voit rien. Et ne remarque donc pas une dame d’un âge très avancé, habillée d’une longue robe noire à fines ligne blanches, coiffée d’un fichu des mêmes tons dont dépassent quelques cheveux gris et chaussée de sabots. Au cœur de ces années 70 où les créateurs de mode s’autorisent toutes les audaces, la dame pourrait ne pas dénoter. Si, toutefois, elle ne donnait pas l’impression de sortir d’une autre époque. Car ses vêtements n’imitent pas des textiles anciens; ils sont vieux, très vieux même. D’un pas assez lent, mais assuré, elle s’approche de Karine. Lorsqu’elle se trouve juste face à elle, d’une voix douce, elle dit : - Mademoiselle... Karine lève les yeux et, d’emblée, est accrochée par le regard de son interlocutrice. - Mademoiselle, répète-t-elle. - Bonjour, madame, répond Karine un rien intimidée. - L’homme de votre vie va passer ici-même dans quelques minutes. Ne le laissez pas filer car vous ne le retrouveriez plus... Troublée, Karine Loret prend sur son sac le signet qu’elle y a déposé, ferme son bouquin, regarde à gauche, puis à droite... Aucun représentant de la gent masculine à l’horizon ! Karine éclate de rire et s’exclame : - C’est une blague ! Elle s’apprête à poser des questions à la promeneuse quand elle se rend compte que celle-ci a disparu. Elle l’appelle, la cherche dans les buissons, arrête trois gamins trottinant à proximité et leur décrit la dame. Mais ils ne l’ont même pas aperçue ! - Elle était devant moi il y a deux minutes ! Les garçons ont l’air sincère. - Vous, vous étiez assise, d’accord. Seule... - Sur le banc, oui. Mais, face à moi, il y a avait quelqu’un... - Non, vraiment... Et le trio s’éloigne en continuant à jouer. Équilibrée, sportive, enseignante réputée pour le sérieux dont elle fait preuve avec ses petits élèves de sept et huit ans, élevée par une mère professeur de français et un père expert comptable, Karine Loret incarne la fille bien dans sa peau. Certes, autrefois, lorsqu’elle se projetait aux abords de la trentaine, elle se voyait plutôt mariée et plutôt maman. Il y avait donc un manque dans sa vie. A deux reprises, elle a cru rencontrer le grand amour. En vain. Depuis une vingtaine de mois, elle est un cœur à prendre. La teneur du message de la mystérieuse interlocutrice l’a donc interpellée. Pourtant, Karine se moque des diseuses de bonne aventure, des astrologues et des voyants qu’elle assimile, un peu vite, à des charlatans. Elle n’a d’ailleurs jamais été tentée d’en consulter un seul. Même pas lorsque, larguée par son dernier petit ami, elle s’est demandée si elle n’allait pas finir vieille fille... Évidemment, elle a d’abord ri quand elle a entendu les mots de l’inconnue. Mais, immédiatement, elle a quand même tourné la tête, cherchant cet homme susceptible de débouler dans son existence ! - Je suis grotesque, pense-t-elle. Elle ne le croit cependant pas vraiment car quelque chose l’a touchée profondément dans ce très court dialogue. Comme si la messagère venait de lui confier quelque chose qu’inconsciemment Karine savait primordial. Et puis cette intruse, pourquoi et comment s’est-elle éclipsée ? Miss Loiret en est là dans ces questions demeurant sans réponse lorsqu’au fond du chemin, elle distingue un type courant après un chien en criant : - Tommy ! Tommy, au pied ! Karine observe la scène et sourit car il apparaît clairement que le gros toutou ressemblant à un Saint-Bernard, augmentant sans cesse son avance sur son poursuivant, se moque pleinement des appels d’un maître manquant autant d’autorité que de souffle. Lorsqu’il parvient à la hauteur de Karine, le malheureux est sur le point de cracher ses poumons ! En une fraction de seconde, Karine prend la situation en main. - Reposez-vous ! Je m’occupe de Tommy ! Et elle démarre comme une flèche ! Autour d’elle, les gens sont impressionnés. Et même le chien doit comprendre qu’il est peut-être tombé sur plus rapide que lui et qu’il risque d’être ridicule ! Car quand Karine se met à hurler “Tommy!”, il ralentit. Et, un peu plus tard, s’arrête au milieu de la pelouse et se couche ! Prudente, Karine tend la main afin de montrer qu’elle souhaite le caresser. - Bonjour Tommy !, murmure-t-elle. Tu es gentil ! Et très beau ! Moi, je m’appelle Karine... - C’est fou ce qui... Le propriétaire de Tommy a encore besoin de récupérer de l’oxygène. - C’est fou, oui, ce qui arrive ! D’hab... Nouvelle inspiration. - D’habitude, il n’obéit à per... Courte coupure. - ... sonne ! - Sauf à moi !, triomphe Karine. - Sauf à vous!, admet l’étranger un peu penaud. - L’essentiel est que vous l’ayez récupéré ! - Vous avez raison... - Je me présente : Karine Loret. - Enchanté; Christian Bertholot ! Affalé dans l’herbe, Tommy ne songe visiblement plus à fuguer ! Il a même l’air content de cette petite halte. Karine trouve Tommy mignon et Christian, involontairement, assez rigolo, mais pas grotesque ! Il semble simplement empoté face à ce grand toutou sur lequel il n’a aucune prise. Et Karine se dit que, dans la vie quotidienne, il doit être du genre vite dépassé par les événements... que l’on aimerait aider à s’en sortir ! Subitement, lui reviennent ces mots : - L’homme de votre vie va passer ici-même dans quelques minutes. Ne le laissez pas filer car vous ne le retrouveriez plus... Est-ce lui ? Ou bien cette histoire relève-t-elle du canular pur et simple organisé par un copain farceur ? Karine n’oserait se prononcer. Une chose est cependant sûre sans qu’elle puisse pour autant l’expliquer : elle n’a pas envie que Christian et Tommy déguerpissent ! Alors elle fait la conversation : - Vous venez souvent par ici ? - Jamais!, s’exclame Christian. C’est la première fois. Je n’habite pas du tout dans le coin. En fait, je suis venu déposer une lettre urgente chez un client. Et vous ? - Moi, je connais bien l’endroit car l’école où je travaille se situe à deux pas. L’autre faisant mine de s’en aller, Karine propose : - Voulez-vous que je vous offre un verre ? Il y a un bistrot à côté. Une bonne boisson fraîche vous fera le plus grand bien ! Un peu surpris, Christian consulte sa montre, hésite puis accepte. Tommy suit avec un plaisir qu’il ne songe même pas à dissimuler car, à peine levé, il agrippe ses pattes de devant sur le bras droit de la jeune femme ! Ce qui lui vaut une réprimande de son maître. - On dirait qu’il m’a adoptée !, souligne Karine. - La plupart du temps, rétorque Christian tout en avançant vers la sortie du parc, ce sont les humains qui adoptent les animaux, pas l’inverse. - Moi, je crois que cela doit être réciproque... Vous avez Tommy depuis longtemps ? - C’était le chien de ma grand-mère décédée il y a trois mois. - Je suis désolée... - Elle avait quatre-vingt-dix ans. En tant que son unique petit-enfant, j’étais très proche d’elle ; je la visitais tous les jours. Elle se prénommait Eugènie et, à de multiples reprises, elle m’a affirmé : “Tu es le soleil de ma fin de vie...” Elle est partie sereinement. Seul le sort de Tommy la tracassait. Grand-maman l’imaginait rejeté dans une quelconque S.P.A. Afin de la tranquilliser, je lui ai promis de recueillir ce chien auquel elle tenait tant. De ce jour-là, elle n’a plus eu peur de mourir... Au bistrot, Karine boit son café à petites gorgées, parle de tout et de rien, s’inquiète de Tommy pour qui elle commande de l’eau. Une fois la bière pression avalée, Christian se décontracte. - Vous avez eu une bonne idée ! Cet endroit est sympa, et notre rencontre tellement insolite... Ils demandent la même chose au garçon et, lorsque Christian annonce qu’il doit prendre congé, Karine ressent comme un pincement au cœur. Tommy, lui, n’a pas l’air d’accord de vouloir s’en aller. Christian insiste pour payer les consommations ; Karine se fait prier, puis cède en sautant sur l’occasion : - Alors, la prochaine fois, ce sera mon tour ! Et se sent obligé de préciser : - Enfin, si vous acceptiez de me revoir... A cet instant précis, le serveur vient encaisser. Cela dure quelques secondes seulement, mais celles-ci paraissent bien longues pour Karine s’attendant à une réponse du genre : - Pourquoi pas? Le hasard va peut-être nous réunir dans un autre parc ! Ou : - Désolé, mais ma fiancée m’attend... Ou bien encore : - Écoutez, je préfère être clair : vous n’êtes pas mon type ! Karine broie à ce point du noir qu’elle n’entend pas Christian. - Avec plaisir ! Vous viendriez dans mon quartier ? Et, du coup, elle doit lui faire répéter ! Trois jours plus tard, Karine, Christian et Tommy se retrouvent à la terrasse d’une brasserie. Sans trop le montrer, la demoiselle est émue. Elle a eu du mal à penser à autre chose qu’à cette fin d’après-midi un rien surréaliste. Christian, plutôt réservé de nature, refrène son emballement. Mais, visiblement, Karine ne le laisse pas indifférent. Quand à Tommy, lui, il ne cache pas ses sentiments. Dès qu’il a aperçu Karine, il a foncé vers elle et exigé un câlin ! Ces trois-là vont assez bien ensemble. Il faut quelques semaines aux jeunes gens pour s’avouer mutuellement leur attirance. A ce moment seulement, Karine ne peut s’empêcher d’évoquer la dame du parc et ses paroles énigmatiques. Lorsqu’elle la décrit, Christian blêmit. - Une robe noire à fines rayures blanches, un fichu sur la tête et des sabots ... Tu es sûre ? - Certaine ! Je ne l’oublierai jamais; c’était comme une apparition. Pourquoi ? - Cela correspond exactement à la façon dont ma grand-mère s’habillait toujours... Karine en frissonne. Christian poursuit. - Portait-elle de petites lunettes rondes à monture métallique ? - Oui... - Avait-elle les yeux bleus ? - Je crois bien... - Et un grain de beauté sur la joue droite ? - C’est la première chose qui m’a frappée chez elle... Karine et Christian demeurèrent silencieux. Puis se posèrent la seule question qui comptait : et si Eugènie, veillant toujours attentivement sur son petit-fils, avait un instant déserté les ténèbres pour appeler l’attention de Karine sur son futur bonheur ? Ils finirent par admettre que, même si elle devait faire ricaner, à leurs yeux, l’hypothèse était plausible. Et, une quinzaine de mois plus tard, lorsqu’ils se marièrent, convaincus qu’elle ne pouvait être loin, Karine et Christian firent ensemble un clin d’oeil complice à Eugènie. Extrait de "Folles histoires d'amour" - Copyright Jourdan Editeur 2008
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